Multipotentialité

« Tant de choses m’intéressent ! » – La multipotentialité

Il y a tellement de choses intéressantes dans le monde, trop pour pouvoir sereinement choisir lesquelles faire ou étudier. En tout cas, c’est ce que ressentent de nombreux esprits curieux. Il est cependant fréquent qu’ils ressentent la pression de suivre la mouvance et de se choisir des spécialités et des passions « sérieuses ». Qui trop embrasse mal étreint. Vraiment ? Et si en fait ils pouvaient s’adonner à tout ce qui les intéresse ? Eh bien oui, dans une large mesure, c’est possible !

J’allais poursuivre en vous disant que vous aviez certainement déjà croisé le terme « multipotentiel » et ses substantifs dérivés sur l’un ou l’autre site ou forum dédié à la douance. J’étais assez confiante que ce serait le cas. J’ai quand même vérifié par acquit de conscience et… en fait non. J’ai été étonnée : la multipotentialité semble être un sujet peu discuté dans la sphère HP francophone. Par contre, un domaine dans lequel on est plus prolixe sur la question, c’est le coaching professionnel ou la gestion de carrière. Il y a une certaine logique à cela, bien sûr. Mais il y a un truc qui manque quelque part…

Alors je rembobine, et je recommence !

Dans cet article, je vais vous parler de multipotentialité, un thème qui ne vous est peut-être pas très familier. C’est parfait, nous allons pouvoir remonter aux bases, en commençant par la définition.

Qu’est-ce que la multipotentialité ?

Il y plusieurs définitions de la multipotentialité, aussi je vous donnerai en premier lieu celle utilisée par la personne qui fait référence en la matière, Emilie Wapnik, sur son site Puttylike :

« La multipotentialité est à l’origine un terme psychologique et éducatif utilisé pour qualifier les personnes qui montrent des aptitudes dans plusieurs disciplines. Le mot multipotentialite, qui en découle, se réfère à une personne qui a de nombreux intérêts et/ou quêtes créatives. »

Si vous vous posez la question, non, je n’ai pas fait de faute d’orthographe en oubliant semble-t-il un « s » dans multipotentialite. Je sais qu’en français, dans le cadre du coaching professionnel, on parle de « multipotentialiste », mais encore une fois, cela me semble être une traduction impropre du terme, puisque Emilie aurait fort bien pu utiliser un suffixe en –iste, mais ne l’a pas fait. On pourrait faire un lien avec cosmopolite, qui partage la même terminaison, et désigne une personne qui refuse les limites d’une nation et se déclare citoyen du monde. Ici, c’est pareil : un multipotentialite refuse les limites d’un seul domaine de spécialisation et « se déclare généraliste ».

Il est intéressant de noter qu’il y a plusieurs composantes dans la façon dont les multipotentialites (MP en abrégé) aiment aborder les choses : 

La notion d’intérêt

C’est le point central, qui se retrouve dans toutes les définitions que j’ai pu voir. Il peut s’agir d’une légère curiosité, d’une réelle passion ou de n’importe quoi entre les deux. L’intérêt est essentiel, car dans ce cadre il ne « suffit pas » d’être capable, il faut avoir envie de s’intéresser à un domaine. Le mot « potentialité » désigne le caractère de ce qui est potentiel, donc possible, et pas vraiment ce qui a du potentiel. En anglais, un des sens de « potentiality » est également « la possibilité que quelque chose se produise ou qu’une personne fasse quelque chose dans le futur ».

On ne peut forcer un multipotentialite à utiliser toutes ses capacités, ou celles qui sont les plus désirables, les plus exceptionnelles, lui rapporteraient le plus de prestige, d’argent ou d’admiration. Cela reviendrait à le rendre insatisfait (c’est du reste fréquemment le cas) et malheureux. Nulle autre personne que le multipotentialite lui-même ne sait où son intérêt le portera à un moment donné.

La notion d’aptitudes

Il est bien sûr idéal de pouvoir faire quelque chose de son intérêt, que cela se manifeste en activité concrète ou mentale et qu’il s’agisse d’un hobby ou d’une occupation professionnelle. Avoir les capacités qui correspondent à l’intérêt est indéniablement un plus. Les aptitudes étaient d’ailleurs jadis au centre du terme multipotentialité, dans son contexte éducatif. Cependant, lorsque l’on parle d’adultes qui cherchent à se réaliser, les prédispositions innées passent au second plan pour céder la place aux inclinations. Si l’on est face à une réelle passion et que l’on dispose d’assez de volonté, il sera dans la plupart des cas possible de trouver des manières de la satisfaire.

La notion de domaines multiples

Variés, en petit ou grand nombre, proches ou éloignés entre eux, les intérêts peuvent présents au même moment, ou alors se succéder, un à la fois. Il y a des personnes qui reviennent toujours aux mêmes thèmes de façon cyclique, d’autres qui ont eu trois carrières dans lesquelles elles se sont spécialisées à fond, celles qui ne savent pas à l’avance ce qui captivera leur attention demain… Il n’y a pas qu’un seul type de multipotentialite. Nous en verrons une typologie par après.

La notion de compétence…

 … brille par son absence. Il n’est pas nécessaire pour un MP d’acquérir l’ensemble des connaissances ou savoir-faire liés à ses domaines d’intérêts. Il est vrai que d’autres définitions incluent la maîtrise, comme celle de Wikipedia : « La multipotentilité {…} se réfère à la capacité et la préférence d’une personne {…} à exceller dans deux domaines différents ou plus ». Mais encore une fois, il n’y a pas à faire des étincelles pour se réaliser. Autrement dit, on n’a pas besoin d’être un spécialiste en parallèle ou en série (pour faire une analogie avec les circuits électriques), même si ces modes de fonctionnement font également partie de la typologie plus loin (mais ne la résument pas). Pas besoin d’en apprendre plus que ce qui satisfait la curiosité qui nous a amenés à nous intéresser à un sujet.

Les multipotentialites apprennent quoi qu’il en soit beaucoup de choses et finissent souvent par être des experts en interdisciplinarité et renforcent leur habileté à faire des liens entre des matières distinctes, ce qui est une compétence en soi. Ceux qui prennent plaisir à acquérir ou à exercer une expertise peuvent le faire, et les touche-à-tout qui aiment juste tremper les orteils dans un sujet peuvent le faire aussi !

Pour ce qui nous occupe, quelqu’un qui maîtrise de nombreux domaines sera plutôt appelé « polymathe ».

Et c’est grave, Docteur ?

Si ce n’est pas clair encore, laissez-moi mettre les points sur les « i » : il n’y a absolument aucun problème à être un multipotentialite !

Il semblerait que certaines personnes (en nombre minime, je l’espère) aient été dirigées vers des diagnostics de troubles de l’attention pour expliquer leur manque de constance et de persévérance dans une voie unique. Mais la multipotentialité n’est pas une pathologie ! Il n’y a pas à la soigner ni même à en trouver des causes et encore moins à la stigmatiser. Soyons clairs : certaines personnes souffrent bel et bien d’un trouble invalidant tel le TDAH et peuvent être MP en même temps ; c’est juste qu’il faut réserver le diagnostic du trouble de l’attention aux bonnes personnes, avec les bons outils, et pour les bonnes raisons.   

Comme beaucoup d’autres traits d’identité, la multipotentialité est quelque chose à savoir sur soi-même. Une fois qu’on le sait, on peut agir en conséquence et surtout arrêter de se faire du mouron. Car de nombreux MP se demandent s’ils sont bien normaux, s’ils ne perdent pas leur temps à papillonner, si quelque chose cloche chez eux. Cela les embête de ne pas (encore) avoir trouvé leur seule et unique vocation. Et pourquoi devraient-ils en avoir (qu’)une d’abord ? Il n’y a aucune raison à cela, si ce n’est qu’on leur a rabâché à l’école, dans leur famille, sur les « foires de l’étudiant », qu’il fallait choisir, bien choisir, choisir vite, et puis construire consciencieusement sa carrière, développer son CV et aller vendre son expertise plus cher ailleurs. Evidemment que c’est angoissant vu comme ça ! Cela semble ne laisser aucune autre voie, être la seule normalité qui tienne et ne permettre aucune place aux intérêts multiples. Mais ce n’est qu’une certaine vision des choses, et elle est en cours d’évolution ! Il y a de plus en plus de place pour les multipotentialites !

Bref historique

Le regard que l’on porte sur les MP évolue sans cesse et est assez cyclique. Dans la Grèce antique, les philosophes se frottaient à des sujets variés et étaient suffisamment admirés pour qu’on parle toujours d’eux aujourd’hui. Difficile de savoir ce qu’il en était au Moyen Âge, période où le savoir n’était pas en odeur de sainteté. Par contre, à l’époque de la Renaissance, la multipotentialité (voire la polymathie) était une caractéristique appréciée chez les lettrés, érudits et autres savants. Dans les salons, pouvoir disserter de nombreux sujets était un atout, et dans les laboratoires jouir d’une large ouverture d’esprit était utile pour effectuer toutes les nouvelles découvertes du moment. Cette vision positive a perduré jusqu’à la moitié du XXième siècle.

Avec les booms économiques et technologiques de l’après-guerre, puis avec la lutte idéologique et technique entre les blocs de l’Ouest et de l’Est (comme la course à l’espace, par exemple), s’est développé un attrait pour les spécialistes plutôt que pour les généralistes, la compétitivité étant exacerbée. Dans les cadres actuels de la finance ou du droit entre autres, les spécialistes sont encore largement appréciés dans la mesure où le profit se trouvera dans des détails minutieux, voire des failles de la législation.

Cependant, la tendance est à nouveau à la diversification des intérêts et des compétences, dans un monde où la complexité se manifeste de plus en plus dans les interactions entre systèmes et entre disciplines, plutôt qu’à l’intérieur de ces disciplines prises en silos isolés. Il reste évident que certaines professions demandent un haut niveau de spécialisation. Si l’on doit subir une opération du cerveau, il est indéniable que l’on préfère savoir que le neurochirurgien est hautement spécialisé. Toutefois, des domaines tels que l’écologie demandent (presque par définition) de s’intéresser à de nombreux sujets et de les comprendre. L’entrepreneuriat est un autre exemple de carrière qui repose bien souvent sur la multipotentialité.

Par ailleurs, le modèle selon lequel on a un seul métier pour la vie n’est plus la seule option ; les reconversions sont nombreuses. Enfin, les possibilités du numérique ouvrent la porte au fait d’avoir plusieurs lignes de revenus, et donc plusieurs occupations dans une même journée. Bon, ça risque d’être galère pour remplir les documents officiels qui ne prévoient qu’une ligne ou qu’une case pour l’activité professionnelle, mais cela peut évoluer aussi. Petit aparté dans la série « Les mots comptent », je vous invite à ne plus dire « Je suis {nom du job que vous exercez en ce moment} », mais « Je travaille actuellement comme {nom du job que vous exercez en ce moment} ». Cela rend un certain degré de liberté. Votre boulot ne résume pas votre identité, que vous soyez un multipotentialite ou pas !

Multipotentialité et douance

Comme je le suggérais en introduction, la multipotentialité est un sujet qui est souvent abordé dans le monde anglophone du haut potentiel. Les deux caractéristiques ne sont pas forcément liées : on peut être HP et pas MP, MP et pas HP, ou les deux (ou aucun des deux ; cela commence à sonner comme un petit refrain). Cependant il y a une certaine propension chez les personnes concernées par la douance à remplir les critères de la multipotentialité, ne serait-ce que parce que leur fonctionnement les porte souvent à une curiosité plus grande ou plus diversifiée que la moyenne. Qu’on y ajoute une ou plusieurs hyperstimulabilités, et la soif d’exploration peut s’en trouver accrue.

Insistons sur le fait que la multipotentialité ne désigne pas la coexistence de différentes zones d’intelligence, autrement dit de différentes « zones de (haut) potentiel ». Cela serait un gros abus de langage (et on sait qu’il en existe d’autres…). Toutefois, vu que les HP appréhendent avec plus de facilité des notions diversifiées, ils ont moins de probabilité de se désintéresser de matières pour cause d’incompréhension ; leur champ des possibles est donc plus large. Parfois, cela peut s’avérer être un désavantage : en raison de la pression à la performance qui leur est régulièrement appliquée, les HP peuvent se sentir coupables de ne pas exprimer tous les potentiels dont ils disposent ou de ne pas être attirés vers leurs potentiels les plus socialement désirables. Ils peuvent en arriver à avoir du mal à identifier ce qui les intéresse réellement (obtenir l’approbation des figures d’autorité est après tout quelque chose « d’intéressant » aussi).

Anecdote personnelle : quand j’ai dit que la formation de bibliothécaire-documentaliste m’intéressait (justement parce que je ne voulais pas choisir de spécialisation et qu’il me semblait que lire des tas de livres était une bonne façon d’apprendre sans choisir une unique voie), on m’a fait comprendre (surtout à l’école) que ce n’était pas digne de mes capacités ; il fallait que je choisisse quelque chose où mes facilités pour les sciences et les langues seraient exploitées. Il faut dire qu’interprète et ingénieur chimiste faisaient aussi partie de ma liste. Finalement, j’ai été dirigée vers un cursus qui doit être le rêve de tas de multipotentialites : ingénieur de gestion. Au menu, trois langues différentes, maths, physique, chimie, gestion, comptabilité, économie, finance,… Ça m’allait très bien et je ne regrette pas mes études ! Mais dommage que je ne sois pas tombée sur une opportunité professionnelle qui me permettait la même diversité (ou même qui m’intéressait simplement)… Enfin, jusqu’à présent ; maintenant j’entrevois plus de possibilités !

Un multipotentialite à haut potentiel peut être tout à fait dans son élément à l’école : une heure de français, une d’histoire, une de trigonométrie,… Pas de souci ! Du moins tant que le rythme, la profondeur ou la complexité des matières le satisfont. Pour ceux qui s’épanouissent dans ce schéma (HP ou pas), il est particulièrement rude qu’après plus de 10 ans de ce traitement, on leur impose subitement de choisir une spécialisation. Signe des temps toutefois, des cursus interdisciplinaires voient le jour ces temps-ci, comme celui proposé par la toute nouvelle London Interdisciplinary School.  

Dernière petite note : si une personne a subi un traumatisme complexe, une des conséquences possibles est d’être peu ou pas en contact avec ses émotions, ce qui est particulièrement problématique pour qu’elle soit en capacité d’évaluer ce qui l’intéresse ou pas. Dès lors, lorsque l’on n’a aucune barrière, comme cela peut être le cas des HP, tout peut sembler également intéressant (ou non-inintéressant). Cette personne pourra en conclure qu’elle est un multipotentialite, ce qui pourra s’avérer vrai ou pas si elle parvient à rétablir la connexion avec ses ressentis.

Les différents types de multipotentialites

On l’a évoqué plus haut, la multipotentialité peut adopter de nombreuses formes. Barbara Sher, coach et conférencière, était elle-même une multipotentialite et a consacré sa carrière à comprendre et conseiller cette communauté. L’un de ses buts était de permettre aux MP de réaliser que leur mode de fonctionnement est tout aussi valide que celui de quelqu’un qui souhaite être ou peut s’accommoder d’être un spécialiste. Ceux qui disent le contraire ont vraisemblablement les idées figées par la normativité. Hélas, les conseillers d’éducation ou de carrière font souvent partie de ceux qui sont formatés à placer les gens dans une case (même si, comme je vous le disais, cela évolue). Néanmoins, on entendra encore des avis de bonne foi du style « Choisis simplement un de tes talents, et lance-toi », comme le rapportait B. Sher, disant également qu’il s’agit souvent « du meilleur conseil disponible, et qu’il est aussi le pire » pour les MP.

Elle a dressé un portrait de famille des multipotentialites, qu’elle nomme « Scanners », dans lequel chaque type a ses spécificités, mais comme dans les fratries aussi des similarités avec les autres. Et puisque la présence de nombreuses possibilités peut avoir un effet paralysant, elle donne également des conseils d’organisation ou de carrières pour parvenir à satisfaire nos multiples intérêts. Elle présente tout cela dans son livre « Refuse to choose ! ». Il y a bien trop d’informations pour tout résumer ici, donc je vous invite le cas échéant à lire le livre (apparemment traduit en français en 2020 sous le titre « Je ne veux pas choisir ! »).

J’introduis également une petite limitation aux recommandations pratiques de Barbara Sher (dans la version originale du livre en anglais, du moins – je ne sais pas si cela a été adapté dans l’édition française) : elle a rédigé ses conseils dans le cadre de la culture (professionnelle) américaine, dans laquelle l’organisation du travail et la flexibilité pour changer d’employeur sont différentes. On peut souvent démissionner pratiquement sans préavis et être engagé du jour au lendemain, ou alors décider de travailler comme un forcené pendant six mois et vivre de ses économies le restant de l’année pour s’adonner à ses passions sans que personne ne trouve à y redire. Il y a moins de focalisation sur la sécurité de l’emploi (qui n’est en réalité que financière ; ce n’est pas rien, mais ce n’est pas tout !), ou les cotisations à la retraite, par exemple. Chez nous on aurait tendance à se dire que dans le paradis de la retraite on pourra enfin faire ce qu’on veut ; mauvaise stratégie si vous voulez mon avis… Raison de plus pour dessiner sans attendre sa vie à son image et discerner si on est un Scanner, et de quel(s) type(s).

Les Scanners cycliques

Ces multipotentialites ont quelques intérêts bien définis. Ils les connaissent et y reviennent périodiquement. On en distingue trois moutures :

L’agent double (Double agent)

Ces personnes ne changent pas souvent de centre d’intérêts. Généralement, elles veulent conserver l’emploi dans lequel elles se trouvent et s’adonner à leur passion en dehors. Mais encore faut-il en avoir le temps. Une autre configuration de l’agent double est la personne qui a deux domaines de prédilection et veut les mener de front. La stabilité de leurs inclinations rend plus simple la résolution du conflit. Parmi les organisations de carrière recommandées, il y a le « good enough job », le boulot suffisamment bien, qui paie les factures et laisse du temps en dehors des heures de travail (peut-être un temps partiel), ou l’auto-entreprenariat (éventuellement deux en parallèle).

La sibylle (Sybil)

Pourquoi avoir nommé ces MP ainsi, je n’en suis pas sûre. Peut-être cela fait-il référence aux prophéties obscures des devineresses antiques, qui ne permettaient pas vraiment de se décider entre plusieurs possibilités. Car les Scanners du type sibylle ont de nombreux intérêts qu’ils peuvent tous nommer, mais qu’ils n’arrivent pas à mener de front. L’indécision est même source d’immobilisme pour eux, tellement choisir est pénible, et ce même s’ils ont la possibilité de tout faire. Ils sont particulièrement sujets à ce que B. Sher appelle « la panique du scanner », un état où il se demande : « Trouverai-je jamais ma voie ? Comment puis-je exprimer tout mon/mes potentiel(s) ? Puis-je être moi-même ? Est-ce que j’ai quelque chose qui cloche ? Comment puis-je trouver ma place dans ce monde de spécialistes ? »

Il semble qu’une planification à l’avance puisse aider ces multipotentialites, pour leur ôter le fardeau de devoir décider quoi faire au moment crucial où ils ont la possibilité d’agir. Un programme à suivre, avec des heures de début et de fin, comme pour les périodes de cours à l’école, permet d’uniformiser le temps dévolu à chaque passion. Multiplier les lignes de revenus monétaires est une bonne solution pour eux (par exemple plusieurs e-businesses). Des « carrières-parasols » sont aussi envisageables (par exemple documentaliste, qui demande de rassembler de l’information dans de nombreux domaines).

Le tourneur d’assiette (Plate spinner)

Vous voyez ces artistes de cirque qui font tourner des assiettes sur des baguettes et courent de l’une à l’autre pour les garder en mouvement ? Il y a des scanners de ce type. Ce qu’ils aiment, c’est d’avoir des problèmes concrets à solutionner, de sauver la situation en gérant de front plusieurs projets. Au fond, ce qui les motive, c’est qu’on ait besoin d’eux, et puisqu’ils sont capables de répondre à la demande, ils y vont ! Toutefois, ils ont comme les autres multipotentialites des intérêts variés ; ils peuvent donc finir par s’ennuyer. Par ailleurs, ils risquent de ne pas prendre de temps pour eux-mêmes à force de se mettre au service des autres. Il y a de nombreux environnements professionnels où on appréciera leurs qualités.

Une technique proposée pour eux est « LTTL » (cela ressemble à « little », « petit »). C’est un acronyme pour : Learn (apprendre le job), Try (essayer de nouvelles façon de faire et implémenter les meilleures), Teach (transférer le nouveau savoir à quelqu’un d’autre), Leave (changer d’activité). Ainsi, le besoin de changement et le fait d’apporter quelque chose à l’entreprise sont comblés.

Les Scanners séquentiels

Ceux-ci ne savent pas ce qui les intéresse jusqu’à ce qu’ils tombent dessus. Ils découvrent sans cesse de nouvelles choses et ne reviennent généralement pas sur leurs pas.

Le spécialiste en série (serial specialist)

Ces Scanners s’investissent à fond dans un intérêt principal à la fois et s’y tiennent jusqu’à en avoir fait le tour, c’est-à-dire le temps de développer une expertise. Généralement, ils peuvent démarrer une carrière dans le « domaine du moment », mais comme c’est l’acquisition de l’expertise (l’apprentissage plus que le savoir) qui les intéresse, ils ne conserveront pas le même métier jusqu’à se construire une réputation. Ça tombe bien, ce n’est pas ainsi que se manifeste leur ambition. Une fois au sommet, ils s’en vont vers de nouvelles aventures sans s’appesantir.

Ils ne passent pas pour des multipotentialites auprès des autres et sont moins pointés du doigt parce qu’ils s’engagent dans une voie unique, du moins pendant un temps. Toutefois, leur entourage ne comprendra pas nécessairement pourquoi ils décident d’abandonner un emploi prometteur. Ces MP savent ce qu’ils font et parviennent à se gérer avec leur fonctionnement unique. S’ils souhaitent une profession qui fasse un lien entre leurs intérêts successifs, journaliste d’investigation ou écrivain peuvent convenir.

Le maître en série (serial master)

Barbara Sher elle-même dit que cet intitulé peut porter à confusion (car le maître est censé être encore un peu plus expérimenté et dédié à son art que le spécialiste) avant d’expliquer ce qu’elle entend par « maîtrise ». Ce qui distingue le spécialiste en série du maître en série, c’est que ce dernier veut apprendre, devenir un as dans ce qu’il fait, mais pas gagner d’expertise par l’expérience dans son domaine. Il veut donc maîtriser le sujet, tester ses limites, se comparer aux autres, savoir ce qu’il y a à savoir, et puis recommencer le processus sur un autre thème. En fait, on devrait presque inventer le mot « maîtrisateur » pour rendre le bon sens ou envisager de renommer la catégorie en « diplômé/étudiant en série » par exemple. Des carrières recommandées pour ces Scanners sont par exemple coach ou professeur.

Le touche-à-tout (Jack-of-all-trades)

Ces Scanners trouvent que beaucoup de choses leur viennent assez naturellement, tellement naturellement qu’ils ne s’en rendent pas forcément compte, et sous-estiment leurs compétences. Apprendre sur le tas n’est pas un souci pour eux. Ils sont consciencieux et serviables, mais n’ont pas de réelle passion, ni l’envie de s’engager profondément dans un domaine comme les deux types précédents. Cela signifie simplement que le point auquel leur curiosité est satisfaite est moins éloigné, mais en contrepartie leurs intérêts, presque illimités, se porteront sur tout ce qui passe à proximité. Ils peuvent fort bien s’accommoder d’un job standard (« good enough job ») et être apprécié par leurs supérieurs et collègues, tant que l’environnement est convivial et que leur curiosité est satisfaite dans le travail ou que celui-ci leur laisse l’opportunité de se diversifier par ailleurs.

Le vagabond (Wanderer)

Le vagabond expérimente tout ce qui lui semble intéressant quand il en a l’opportunité. Il n’a pas de plan et se laisse guider par son intuition et ses intérêts au moment où ils se manifestent. En fait, ils vont bien quelque part, mais ne savent pas où. A y regarder de plus près, il y a un certain processus qu’ils recherchent, comme l’aventure, la découverte, la créativité,… Lorsqu’ils se retournent sur leurs « errements », ils peuvent se rendre compte qu’en fait tout cela avait du sens et trouver quoi faire de leur bagage hétéroclite.

L’échantillonneur (Sampler)

Ces MP veulent avant tout ressentir ce que cela fait d’essayer une activité en pratique. Mais une fois que c’est fait, c’est fait. Ils ne reviennent pas pour un deuxième tour de manège. Ils souhaitent une vie riche d’expériences et de créativité. Pour pouvoir goûter tout ce qui leur fait envie, ils ne prendront qu’une bouchée. S’ils ont une inclination pour les voyages, rédiger des guides touristiques serait un exemple de job qui leur plairait. Ils peuvent aussi trouver leur compte dans l’intérim, qui leur permettra de changer très régulièrement d’environnement de travail.

L’indécis haute fréquence (High speed indecisive)

Ils voudraient changer de centre d’intérêt au moins une fois par jour. C’est un peu compliqué, car si on applaudit ce type de curiosité chez les enfants, la vie d’adulte en laisse moins le loisir. Un talent particulier qu’ont ces Scanners est de remarquer très vite la pépite dans le tas, ou l’essentiel de l’information. Pour pouvoir satisfaire la rapidité de leur esprit, la rédaction de catalogues peut être une option, qu’il s’agisse de produits à vendre, ou de comparatifs de cursus universitaires.

Voilà. Il y aurait encore tellement de choses à dire sur les multipotentialites de tout poil. Si vous ne devez retenir qu’une chose c’est que ces personnes ont bel et bien (et de plus en plus) leur place dans notre société et que cultiver plusieurs centres d’intérêt n’a définitivement rien d’étrange !

Et vous, êtes-vous un MP ? N’hésitez pas à nous en parler dans les commentaires !

Métacosme est un blog dont le but est de mettre à disposition des lecteurs francophones des informations de cheminement personnel et un éclairage psychologique et philosophique original.

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3 Replies to “« Tant de choses m’intéressent ! » – La multipotentialité”

  1. Article très intéressant. Je suis une femme a haut potentiel et multipotentialiste.
    Je ne sais pas si je suis une Sibil, Plate Spiner ou sampler. je n’arrive pas à me positionner 🙂
    J’ai découvert votre blog via un post de Jennifer Harvey Sallin sur Linkedin.
    J’aipris l’habitude de lire des articles sur la douance chez l’adulte qu’en anglais car il y en avais très peu à l’époque où j’ai été diagnostiquée. Je suis donc très heureuse de vous lire.
    Continuez!

    1. Merci, enchantée que cela vous plaise!
      Moi aussi j’ai essentiellement lu des articles et ouvrages en anglais sur ces sujets, car les approches qu’on y trouve me correspondaient mieux et donc m’aidaient plus. Intergifted et les communautés associées continuent de m’être très utiles. D’ailleurs, je savais que Jennifer avait reposté le premier article sur la page FB de l’organisation, mais vous me l’apprenez pour Linkedin. Merci à elle au passage.
      Vu que tout le monde n’a pas la chance de parler anglais couramment, c’est précisément mon but de mettre ces contenus peu traduits à la disposition de la communauté francophone. J’espère bien continuer, merci de votre encouragement. 😉
      Pour le positionnement en tant que scanner, il est fréquent de se retrouver dans plusieurs descriptions. Cela peut varier au cours du temps, en fonction des sujets, en fonction des environnements. J’agissais très bien en tant que plate spinner en entreprise, en dehors de ça, je serais plutôt Jack-of-all-trades, mais aussi un peu vagabonde…
      N’hésitez pas si vous avez des recommandations de sujets plus traités dans le monde anglophone que francophone qui pourraient intéresser les Lecteurs; je continue à étoffer ma liste! 🙂

  2. Excellent ! Je me retrouve dans quelques-uns de ces profils, notamment le « serial specialist » ou « le plate spinner ». J’adore apprendre, donc je me suis toujours super bien senti à l’école ou en formation. Par contre, difficile de me motiver pour juste appliquer ce que je sais déjà faire ou ce que j’ai déjà appris. Autant j’adore apprendre, autant je déteste devoir « (re)produire ». Étant donné que la production en série fut un des piliers de la révolution industrielle et est encore un pilier du système capitaliste, c’est pas étonnant que ça coince dans le monde du travail! J’ai bien aimé le côté positif de l’article, qui montre que les choses évoluent un peu heureusement, que l’on peut maintenant plus facilement « trouver sa place » dans le monde professionnel, parce que les perspectives changent et que ces profils multipotentialites sont de plus en plus reconnus et appréciés. Les trucs et astuces de l’article m’ont l’air pas mal non plus, je vais tester ! Merci 🙂

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