Désintégration positive montagne

Théorie de la Désintégration Positive de Dabrowski

Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de positif dans une désintégration ? C’est clair que ce n’est pas nécessairement intuitif. Peut-être que vous vous êtes déjà posé la question en lisant l’article sur la découverte de la douance à l’âge adulte et que vous en avez à présent une vague idée. Quoi qu’il en soit, une clarification s’impose donc.

Mais cela va devoir se mériter, car la Théorie de la Désintégration Positive de Dabrowski (TPD en abrégé) repose sur de nombreux concepts qui lui sont spécifiques et qu’il est bon d’aborder avant d’en arriver au cœur du sujet ; il est difficile de la simplifier sans excès. Par ailleurs, plusieurs articles traiteront de sujets qui dérivent directement des travaux de Dabrowski et de ses successeurs, alors pour pouvoir les aborder sereinement et avec toute la nuance requise, autant être suffisamment précis ici. Et vous êtes des esprits curieux, alors allons-y.

Une brève biographie de Kazimierz Dabrowski

Kazimierz Dabrowski était un psychiatre et psychologue, né en Pologne en 1902. Dès ses jeunes années, au cours de la Première Guerre Mondiale, il avait été en première ligne pour observer la barbarie dont certaines personnes sont capables dans de telles circonstances. Dans le même temps, il se rendit compte que les champs de bataille étaient également des théâtres où se jouaient des scènes d’un grand héroïsme. Cette double constatation fut à l’origine de sa détermination à trouver une explication à un tel paradoxe. Mentant sur son âge, il s’inscrivit à 16 ans à l’université, d’abord pour étudier le polonais, puis ensuite la médecine. Un nouvel événement tragique marqua cette époque de sa vie, à savoir le suicide d’un de ses meilleurs amis, qui le poussa à choisir une spécialisation en psychologie et psychiatrie. Il devait encore vivre un autre conflit mondial, lui aussi avec son lot d’atrocités, et être incarcéré sous le régime stalinien avant de pouvoir sereinement s’adonner à sa pratique et à ses recherches.

Dabrowski s’intéressa au cours de sa carrière à de nombreux personnages historiques dont la personnalité et le caractère étaient généralement reconnus comme exceptionnels. Cette liste comprenait des noms tels que le président américain Abraham Lincoln ou Antoine de Saint-Exupéry. On pourrait y ajouter la Première Dame Eleanor Roosevelt, Socrate ou Gandhi. Un certain ensemble de traits caractérisaient ces individus. Ils avaient tous été en désaccord, voire en conflit, avec les normes de la société de leur époque et avaient tous ressenti des tourments internes, tels que l’anxiété, l’insécurité et la dépression. Néanmoins, ils avaient persisté courageusement à affirmer leurs propres valeurs et leur propre personnalité, quitte pour certains à y perdre la vie. Cela ajoutait une autre question à celles dont Dabrowski s’occupait déjà : quelle force poussait ces personnes au tableau psychologique traditionnellement vu comme perturbé à agir et avoir un impact positif sur le monde, alors que d’autres sombraient et pouvaient aller jusqu’au suicide, comme son ami jadis ? Autrement dit, comment une désintégration peut-elle être soit positive soit négative ?

La TPD, une « théorie de théories »

Aucune théorie préexistante ne permettait à Dabrowski de répondre à ses questions. Il reprit donc tous les éléments nécessaires à la base. Il est difficile de savoir dans quel ordre il développa les composants qui formeraient la TPD. Peut-être est-ce même un ensemble qui a émergé par pans entiers, impossible de savoir. On va juste essayer d’être logique et clair. Les termes propres à la théorie, qui ont parfois un sens légèrement différent de leur acception commune, sont mis en évidence en italique.

En analysant les biographies des personnes qu’il étudiait, Dabrowski a constaté qu’à un certain moment leurs valeurs intérieures étaient entrées en conflit avec celles, extérieures, qu’ils avaient adoptées et intégrées jusque-là, généralement celles de leur famille ou de leur milieu social en conclut qu’il existait un niveau d’intégration primaire qui résulte de notre éducation, et qu’un phénomène de désintégration se produit chez certains individus. Désintégration est bien le terme, car les développements qui tendent vers une nouvelle intégration rendent nécessaires la dissolution des structures psychologiques antérieures. Il n’y a donc pas de construction par-dessus les structures inférieures et plus anciennes selon ce modèle. Après avoir franchi les cinq niveaux de développement que compte la TPD, le sujet pourra atteindre un niveau d’intégration secondaire, dans lequel il vivra selon les valeurs qu’il a lui-même choisies, et qui représente son idéal de personnalité. Une fois lancé le processus de désintégration, le passage d’un niveau à un autre a pour moteur une série de dynamismes, qui résultent de conflits internes.

Il est important de noter que dans la terminologie de Dabrowski la personnalité n’est pas quelque chose d’inné, mais au contraire quelque chose d’acquis ; le sujet se la crée. Bien sûr, nous avons des caractéristiques qui sont présentes à la naissance, qui nous distinguent et forment l’individualité. Mais au niveau d’intégration primaire, caractérisé par la conformité à des normes extérieures, la personnalité est peu ou pas développée. C’est seulement une fois que l’idéal est déterminé que l’individu devient unique en acquérant sa personnalité. Une fois qu’il vit en restant fidèle à son idéal, son comportement peut être qualifié d’authentique. La TPD est donc une « théorie du développement de la personnalité ».

Il y a encore une question en suspens, à savoir : qu’est-ce qui amène certaines personnes et pas d’autres vers la désintégration et puis vers l’évolution ? Pour répondre, le psychiatre a créé la notion de potentiel de développement. Ce potentiel est influencé par de très nombreux éléments. Parmi eux, il y a les 3 facteurs de développement : le 1er facteur est composé de traits innés (en gros, l’individualité et les pulsions biologiques) ; le 2ème facteur qui regroupe les influences environnementales, et le mystérieux 3ème facteur (qu’on serait tenté d’appeler « tiers facteur ») qui est cet indéfinissable quelque chose qui nous pousse à devenir une meilleure version de nous-mêmes. Les dynamismes évoqués plus haut sont intimement liés au potentiel de développement. Dabrowski considérait par ailleurs que « des aptitudes spéciales et des talents » contribuaient à ce dernier.

Les hyperstimulabilités (ou hyperexcitabilités) contribuent également au potentiel de développement  et jouent un rôle dans le déclenchement de la désintégration positive. On les définit comme une tendance innée à répondre d’une manière intensifiée (c’est-à-dire supérieure à la norme statistique) à diverses formes de stimuli, à la fois internes et externes. Elles se déclinent selon cinq catégories : hyperstimulabilités psychomotrices, sensorielles, intellectuelles, « imaginationnelles » (j’utilise ici un néologisme dérivé de l’anglais ; on traduit souvent par « imaginative » faute d’un mot français qui ait le sens approprié, mais cela ne me semble pas convenir) et émotionnelles. Les hyperstimulabilités ne sont pas présentes chez tous les individus, de même que le potentiel de développement, et lorsqu’elles apparaissent elles ne sont pas nécessairement distribuées de manière égale sur les cinq modalités possibles. Les formes émotionnelle, imaginationnelle, et intellectuelle semblent jouer les plus grands rôles dans la TPD, car elles permettent de percevoir avec plus d’acuité un manque de cohérence entre nos valeurs personnelles et les valeurs ambiantes, d’imaginer ce qui pourrait être et de récolter et analyser les informations pertinentes à notre compréhension. A elles seules, elles ne peuvent expliquer tous les phénomènes nécessaires à la théorie dans son ensemble, mais elles en sont un ingrédient primordial. (Etant d’un intérêt particulier en lien avec la douance, les hyperstimulabilités sont présentées plus en détail dans un article séparé.)

Tout le monde n’est donc pas enclin à remettre en cause ce qui forme son niveau d’intégration primaire. C’est pourquoi la désintégration (peut-être à terme positive) n’est pas systématique. Mais même une fois engagé sur cette voie, il n’est pas garanti d’atteindre le niveau d’intégration secondaire. Il arrive qu’une réintégration à un niveau inférieur se produise ou encore qu’une intégration partielle à un niveau intermédiaire se mette en place. Et n’oublions pas que dans certains cas malheureux, la désintégration finit par être carrément négative, ce qui peut même aboutir au suicide. Un soutien psychologique est souhaitable dans ce genre de processus et il faut rester vigilent. Néanmoins, les personnages étudiés par Dabrowski ont tous fait l’expérience de l’anxiété ou de la dépression ; on ne peut apparemment en faire l’économie dans le processus. Quoi qu’il en soit, on ne choisit pas consciemment la voie de la désintégration ; cela « arrive », en fonction d’une certaine conjonction des facteurs évoqués ci-dessus, d’une façon spontanée.

Les niveaux d’intégration

Le développement selon les mécanismes de la TPD peut être vu comme l’ascension d’une imposante montagne. Là on parle du Mont Blanc, de sommets de la Cordillère des Andes ou de l’Himalaya, pas d’une petite promenade de santé, ni même d’une excursion d’une journée. Ce n’est pas facile, il faut être motivé et il y a des dangers.

Niveau 1 – L’intégration primaire

Pour le moment, la montagne n’est au mieux qu’un élément de décor au loin dans le paysage. C’est le seul niveau que connaîtra la majorité de la population, y compris des tas de gens formidables. Les personnes qui en restent à leur premier niveau d’intégration sont généralement bien adaptées à leur environnement, à la Société à laquelle elles appartiennent. Elles ont plus ou moins bien intériorisé les valeurs prédominantes et ne les remettent pas fondamentalement en question ; leur influence principale est le 2ème facteur évoqué plus haut. Même si parfois elles sont tiraillées ou insatisfaites, elles ressentent peu le besoin d’introspection et ont peu de conflits internes, ce qui se manifeste par une absence de croissance interne ou d’un quelconque dynamisme. De manière générale, le niveau d’empathie est assez faible à ce niveau.

Se conformer aux normes n’est pas mauvais en soi ; mais à l’excès cela peut mener aux comportements aberrants de personnes tout à fait normales dans des circonstances telles que la Seconde Guerre Mondiale, où certains se sont transformés en barbares et ont affirmé qu’ils avaient « simplement suivi les ordres ». Tout dépend bien sûr de l’éducation et du contexte particulier dans lequel évoluaient ces gens, mais dans le cadre de la TPD, ils se trouvent nécessairement au stade de l’intégration primaire. C’est également le cas de ceux qui seraient identifiés comme « psychopathes » ; ils sont quant à eux sont entièrement dominés par le 1er facteur, qui les pousse à ne se préoccuper que de leur satisfaction personnelle.

Niveau 2 – Phase de désintégration à niveau unique

Cette phase se rencontre par exemple lors de l’adolescence, de la ménopause, du moment où l’on prend sa retraite et de manière générale à chaque fois que l’on passe par une « crise », un cap qui demande un ajustement. Des tensions internes commencent à apparaître, mais les individus restent sous l’influence de leur groupe social et des valeurs prédominantes. Ils sont confrontés à des doutes et de l’insatisfaction par rapport à leur situation. Mais en l’absence de tension « verticale » entre le « soi » tel qu’il est et une version plus élevée du « soi » – que l’on n’entrevoit pas (encore), il n’y aura pas de dynamique positive, et donc la réintégration ne peut se faire qu’au même niveau, c’est-à-dire le premier, d’où l’on vient. Pour reprendre la métaphore de la montagne, c’est comme faire le tour de sa base, sans savoir qu’il existe des chemins pour en faire l’ascension. On reste donc à l’horizontale, c’est pourquoi cette désintégration est dite « à niveau unique ».

Les personnes à ce stade recherchent un changement, mais les possibilités qui s’offrent à elles sont d’une valeur morale égale à leurs yeux, ainsi qu’à ceux de l’environnement social. C’est ce qui explique la difficulté du choix, et qui crée cette fois un dynamisme alimenté par l’ambivalence, qui fait osciller les gens entre plusieurs lignes de conduite, et les fait tourner autour de la montagne.

Rester longtemps dans cette phase n’est pas sans danger. Il peut être tentant de masquer l’inconfort de l’insatisfaction par tout un tas de distractions, ou en utilisant des substances telles que des anxiolytiques ou de l’alcool… On peut aussi basculer dans la dépression. C’est pourquoi il peut être plus confortable, voire « raisonnable », de se réintégrer au niveau précédent plutôt que de risquer la désintégration négative.

Toutefois, cette étape est bien nécessaire sur le chemin de ceux dont le potentiel de développement est suffisant pour entreprendre par la suite l’ascension. Lorsque les prescriptions des sources d’autorité nous semblent réellement illégitimes, que le conflit avec celles-ci devient évident et que les tensions internes nous obligent à réagir, nous cherchons à devenir notre propre autorité. Pour ce faire, nous tentons de nous découvrir nous-mêmes, de devenir autonomes et de déterminer une ligne de conduite qui cette fois aura une valeur morale supérieure à nos yeux. C’est alors que peut survenir le saut (quasi-quantique) vers le…

Niveau 3 – Phase de désintégration spontanée à niveaux multiples

Cette fois c’est sûr, on a commencé à grimper. C’est presque comme si on avait été téléporté au début d’un chemin qui commence au quart de l’ascension, ou qu’on avait pris l’hélicoptère jusqu’au camp de base. Car rien que dans le passage du niveau 2 au niveau 3, une élévation a déjà eu lieu.

Ici commence l’émergence du milieu psychique interne. Il s’agit du théâtre de l’introspection, des sentiments, de la pensée ou encore de l’imagination, qui ensemble nous permettent d’envisager de nouvelles structures pour nous-mêmes. Il travaille de concert avec le fameux troisième facteur, qui nous pousse vers une meilleure version de nous-mêmes et nous permettra de faire les choix qui en découlent. Tous deux étaient jusque-là peu développés ou latents et commencent à se construire. Ils nous permettent d’évaluer plusieurs lignes de conduite et de les classer selon leurs mérites respectifs. Ce processus est nommé hiérarchisation. C’est à cette hiérarchie que se rapporte la dénomination « à niveaux multiples ». Le qualificatif « spontané » se réfère quant à lui au fait que les personnes à ce stade n’ont pas pris de décision consciente de s’y engager, quel que soit le déclencheur qui les y a amenées (que ce soit un événement extérieur ou intérieur, comme le simple fait « d’être prêt » pour cela).

C’est aussi ici qu’apparaissent des psycho-névroses, qui sont des manifestations positives et nécessaires, bien qu’inconfortables, dans le cadre de la TPD. Elles trahissent le sentiment de manque d’harmonie et des conflits entre le milieu psychique interne et l’environnement externe. Elles reflètent aussi l’insatisfaction voire la tristesse que l’on peut ressentir face au fossé entre ce que l’on est et ce que l’on pourrait être, entre notre comportement et nos valeurs en cours d’auto-détermination, à mesure que notre idéal de personnalité émerge. Il s’agit en fait de dynamismes à part entière. Elles ne sont donc pas pathologiques, et diffèrent des névroses traditionnelles ou de la dépression. Bien qu’un soutien psychologique puisse être utile (le risque de désintégration négative est toujours présent), des praticiens non informés sur ce processus pourraient tenter de ramener leur patient vers un état plus neutre et même de les « remettre dans le rang », ce qui serait bien évidemment en fait une régression.

Ce bouillonnement psychique donne naissance à de nombreux dynamismes (certains appartenant à la catégorie des psycho-névroses et d’autres non). Ils sont caractérisés par l’étonnement, l’insatisfaction et le mécontentement envers soi-même. La honte et la culpabilité liées à l’échec perçu de ne pas encore vivre selon ses valeurs sont également des moteurs. L’évasif 3ème facteur se joint lui aussi aux autres dynamismes pour pousser la personne vers l’avant. Tous ensemble, ils forment un méta-dynamisme nommé « malajustement positif », un « ajustement à ce qui devrait et pourrait être ». Plusieurs citations intéressantes existent à ce sujet et l’exemplifient, comme par exemple celle-ci qui est alternativement attribuée à Robert F. Kennedy (frère de J.F.K.) ou au dramaturge George Bernard Shaw : « Vous voyez des choses et vous demandez : ‘Pourquoi ?’ ; mais moi je rêve de choses qui n’ont jamais existé et je dis : ‘Pourquoi pas ?’ ». De nouveau, il n’y a rien de pathologique à ce type de malajustement ; on peut notamment songer qu’il n’était pas mentalement sain d’être ajusté au nazisme, alors que d’y être malajusté l’était probablement bien plus, malgré les autres risques que cela comportait.

Niveau 4 – Phase organisée de désintégration à niveaux multiples

On avait été téléporté sur la montagne on ne sait trop comment, mais maintenant on prend les rênes de son expédition. Le sommet était peut-être rendu invisible par le brouillard jusque-là, mais il est dorénavant visible. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on y est déjà…

Cette phase est dite « organisée » parce que le sujet acquiert un contrôle conscient sur son développement et commence à activement traduire ses valeurs en actes concrets. Ceci ne signifie pas toujours que la personne se rebelle de façon évidente contre les valeurs ambiantes de la société. Cela peut être le cas, comme les personnes qui ont caché des Juifs ou les ont aidé à fuir pendant la Seconde Guerre Mondiale au péril de leur propre vie (ce qui place les actes héroïques au sujet desquels s’interrogeait Dabrowski à partir de ce niveau). L’évolution peut également être plus personnelle et calme, comme un changement de style de vie qui permette de s’aligner avec sa conscience. Enfin, il est également possible que la personne embrasse tout à fait les valeurs externes, mais cette fois en les intégrant par choix et non par peur d’être à la marge (par exemple quelqu’un qui adopterait les valeurs traditionnelles chrétiennes ou bouddhistes dans lesquelles il a été élevé, mais après avoir évalué leur pertinence par et pour lui-même).

Ici encore de nombreux dynamismes sont à l’œuvre et expliquent l’émergence d’un certain contrôle sur le processus. L’un des plus importants est la relation sujet-objet en soi-même, qui permet d’une part à la personne de s’examiner elle-même comme si elle se voyait de l’extérieur, et d’autre part d’envisager pleinement ceux qui l’entourent en tant que sujets, avec leur propre psyché, et non uniquement en tant qu’objet. Cela signifie qu’une plus grande empathie peut se développer, de même qu’une plus grande compassion, à la fois envers soi-même et envers les autres, ainsi qu’un sens accru de la responsabilité et de la justice. L’hyperstimulabilité émotionnelle est notamment associée à ces phénomènes. Il est à noter que toutes ces modifications, loin de la mener à s’exclure du monde ou à se reclure, rendent la personne d’autant plus pro-sociale.

La vision sujet-objet et la tendance concomitante à l’éducation de soi-même vont main dans la main avec ce que Dabrowski nommait l’autopsychothérapie, une capacité à examiner et à solutionner soi-même ses déséquilibres mentaux en vue d’atteindre un degré plus élevé de fonctionnement. A mesure que tout cela mijote, la santé mentale se trouve améliorée et les dangers encore présents aux étapes antérieures tendent à se dissiper.

Niveau 5 – Intégration secondaire

A cet ultime stade, le sommet de la montagne a été atteint. L’individu acquiert sa personnalité et vit selon son idéal. Il est assez difficile de savoir exactement à quoi cela ressemble ou qui a effectivement atteint ce niveau ; Dabrowski lui-même disait qu’il n’avait jamais personnellement rencontré quiconque qui y soit parvenu et la littérature est en fait peu prolixe sur ce niveau. Certainement existe-t-il très peu de cas à étudier. Cela tient à divers facteurs. Comme évoqué plus haut, seule une minorité de personnes s’engagent dans l’ascension et une fois qu’elles sont sur le chemin, il n’est pas sans danger, ce qui peut les renvoyer à leur intégration primaire. Il est également impossible de prévoir combien de temps durera l’expédition et donc si une vie y suffit toujours. Par ailleurs, personne ne va surgir et dire « Hey ! Moi je l’ai fait ! », déjà parce qu’il est ardu de le déterminer par soi-même et aussi parce qu’une telle personne n’est probablement pas intéressée par la reconnaissance, les médailles ou les diplômes.

Il est toutefois vraisemblable que des personnages révérés par diverses religions aient atteint l’intégration secondaire, comme par exemple Jésus ou Buddha, mais comment s’en assurer en l’absence de sources historiques fiables (et alors que des concepts tels que la psychologie au sens où nous l’entendons n’avaient même pas encore été inventés) ? D’autres exemples pourraient être Jiddu Krishnamurti (penseur influent), William Wilberforce (artisan de l’abolition de la Traite Transatlantique d’Esclaves au Royaume-Uni) ou Eleanor Roosevelt, citée plus haut. La seule façon d’inférer une telle conclusion est de se pencher sur leurs écrits ou leurs discours, mais cela ne constitue en aucun cas une preuve. Enfin, des personnes ayant atteint l’intégration secondaire vivent peut-être très sereinement une vie discrète, ignorant tout de la théorie de Dabrowski, de sorte que leur témoignage et même leur existence n’arrivera jamais aux oreilles des chercheurs spécialisés.

Toujours est-il que la théorie, assigne à ce stade plusieurs dynamismes tels que l’autonomie, l’authenticité, l’activation de l’idéal de personnalité, la transcendance, l’intuition ou encore la contemplation.

Mon interprétation toute personnelle (j’insiste, personnelle, ne faites pas dire à Dabrowski et ses collègues ce qu’ils n’ont pas dit), c’est que ce dernier stade ne donne probablement pas l’impression « d’être arrivé ». (Ce n’est pas non plus un témoignage que je livre, parce que je serais bien en peine de dire où j’en suis dans tout ça.) Tel que je le comprends, une nouvelle structuration psychique se met en place au fil des niveaux, donc il y a un aboutissement au processus en ce sens, et peut-être les psychologues sont-ils en mesure d’évaluer cela. Cela dit, pour avoir lu des ouvrages ou biographies de plusieurs personnes citées ci-avant, elles n’ont jamais eu l’impression que « ça y était » et qu’elles avaient « atteint » quelque chose. Ils évoquent des doutes, des réajustements, un examen de soi et de sa conscience permanent tout au long de leur vie. Ces gens-là d’ailleurs n’ont jamais « pris leur retraite ». William Wilberforce, bien que très serein à la perspective de sa mort prochaine, militait encore pour l’abolition de l’esclavage quelques jours avant qu’elle ne survienne. De même, à presque 90 ans, Krishnamurti donnait toujours plus d’une centaine de conférences par an et n’a cessé qu’un mois avant son décès. Et Eleanor Roosevelt a poursuivi ses activités, notamment en faveur des Droits de l’Homme, tant que sa santé le lui a permis. Ce qui est toutefois perceptible chez eux, c’est la satisfaction qu’ils avaient d’avoir bien vécu, de n’avoir aucun regret, de sorte qu’ils s’en allaient le cœur léger.

C’est ce que l’on peut souhaiter à chacun d’entre nous, désintégration positive ou pas.

Voici ce qu’il m’a semblé nécessaire de dire de cette théorie. Elle sera régulièrement évoquée dans ces pages, donc il est préférable d’en avoir un petit aperçu (oui oui, l’article est long, mais il y a des bouquins entiers sur le sujet !) pour comprendre quelles sont les origines, et parfois les limites, de certains concepts qui en découlent. Et maintenant que les bases théoriques sont établies, cela devrait être plus simple et plus concis. En tout cas, promis, j’essaye ! 😉

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