Théorie polyvagale

La Théorie Polyvagale – Le nerf qui fait des vagues

Nous pensons souvent que les émotions ne sont que dans la tête. Mais ce n’est pas vrai. Beaucoup de choses se passent directement dans notre corps avec peu ou pas d’intervention de notre cerveau. Il suffit pour s’en convaincre de sentir son cœur s’emballer lorsque l’on a peur, ou s’envoler lorsque l’on est empli de joie. Il arrive qu’on ait le souffle coupé lorsque l’on est surpris et l’estomac noué si on s’inquiète. On peut aussi tomber dans les pommes sous l’effet d’un choc ou par réflexe s’écarter pour éviter un accident avant même que l’on ait pu réfléchir ; ce sont dans ces derniers cas des stratégies de coping, qui ne sont pas que cérébrales non plus. La Théorie Polyvagale s’intéresse à ces types de phénomènes, tente de les expliquer et permet de développer des réponses pratiques, psychologiques et physiques, aux problématiques qui y sont liées.

Publiée en 1994, cette théorie est le fruit des recherches de Stephen Porges, docteur en neurosciences. Suite à ses premiers travaux en 1969, il fut amené  à étudier les mécanismes physiologiques impliquant le nerf vague, lui-même subdivisé en deux branches, et les autres axes nerveux avec lesquels il interagit. C’est de là que provient le terme polyvagal (poly- : plusieurs ; –vagal : relatif au nerf vague). Mais l’intérêt principal de son travail n’est pas tant dans le domaine de la neurologie que dans celui de la psychologie, et en particulier pour ce qui concerne le trauma, avec aussi des implications sur le bien-être en général, de telle sorte que tout un chacun peut en tirer un bénéfice.

Avant de plonger dans l’anatomie et la physiologie (et pour vous donner envie d’en savoir plus), faites-moi plaisir et essayez ce petit exercice :

Fermez les yeux et observez votre respiration pendant quelques cycles. Ensuite, imaginez que le coin externe de vos sourcils, vos joues, vos oreilles, les coins de vos lèvres et les côtés de votre menton essaient d’aller toucher votre nez, comme si ce dernier développait une attraction gravitationnelle pour les attirer. Maintenez cette idée et tournez-vous à nouveau vers votre respiration. Constatez-vous quelque chose ? Comment vous sentez-vous ? Et maintenant, tentez l’expérience inverse : imaginez que le coin externe de vos sourcils, vos joues, les côtés de votre nez, les coins de vos lèvres et les côtés de votre menton essaient d’aller toucher vos oreilles. Remarquez-vous quelque chose au niveau de votre respiration ou d’autres sensations ?

J’espère que cela a fonctionné (je vous dirai ce qui est censé se passer plus bas ; entretenons le suspense) et sinon que vous voudrez tout de même savoir où je voulais en venir…

Un peu d’anatomie et de physiologie

On ne va pas y couper ! Commençons par le nerf vague lui-même. C’est un des douze nerfs crâniens, qui émergent directement du tronc cérébral (par opposition à ceux qui émergent de la moelle épinière). Il est dit « vague » parce qu’il se balade (ou vagabonde) un peu partout entre notre tête et notre abdomen. D’ailleurs ses errances lui ont jadis valu d’autres noms, tels que nerf pneumogastrique ou cardio-pneumo-entérique. Rien qu’avec ces adjectifs, on comprend que ses fonctions physiologiques sont nombreuses et variées, avec des implications sur le rythme cardiaque et respiratoire, la digestion (notamment régulation de l’acidité gastrique ou de la motilité intestinale), régulation de la sécrétion de plusieurs glandes (endocrines ou digestives) et même un rôle dans les réactions (anti-)inflammatoires et immunitaires. Bref, il est essentiel à notre survie d’un point de vue végétatif. Jusque-là, rien de vraiment nouveau mais ce n’est pas tout.

Ce qui était déjà connu aussi, c’est le rôle parasympathique du nerf vague (c’est d’ailleurs un autre de ses petits noms), qui contrebalance le système sympathique. Ce dernier, agissant depuis les sections thoracique et lombaire de la colonne vertébrale, est chargé de permettre notre mobilisation, de nous préparer à l’action. Il est ainsi notamment responsable de la libération d’adrénaline et de noradrénaline en réponse à des stimuli stressants. Comme je l’évoquais dans un article sur les stratégies de coping (les « 4F » : Fight/Flight/Freeze/Fawn), ces réactions sont carrément encodées dans notre physiologie, et les réactions de lutte (Fight) et fuite (Flight) sont précisément régies par le système sympathique. On lui donne le surnom d’ « accélérateur ». Par opposition, le parasympathique est la « pédale de frein », qui contrecarre l’effet de l’accélérateur, notamment en libérant de l’acétylcholine. En cas de danger, lui aussi permet une stratégie de coping : l’immobilisation (Freeze). Elle peut aller jusqu’à nous faire perdre connaissance (on pense notamment au malaise vagal) ou à nous « faire faire le mort » (une stratégie dont les opossums sont des maîtres). Ensemble, les systèmes sympathique et parasympathique (dont le nerf vague et trois autres nerfs crâniens) forment ce que l’on nomme le système nerveux autonome.

Ce qui est plus nouveau dans la théorie polyvagale, c’est le fait de distinguer deux branches du nerf vague : la branche dorsale, qui est plus particulièrement concernée par la fonction parasympathique expliquée ci-dessus, et la branche ventrale (ventral signifiant « à l’avant » et non « dans le ventre »), qui intervient dans les connexions sociales et le sentiment de sécurité. Avec quatre autres nerfs crâniens et des muscles du visage, la branche ventrale du nerf vague forme ce que S. Porges nomme « Système d’Engagement Social », que l’on peut surnommer « connexion visage-cœur ». Nos expressions faciales, le ton de notre voix, notre regard et notre ouïe sont ainsi influencés par notre état émotionnel au travers de ce lien. Nous reviendrons à tout cela par après.

Pour être tout à fait complet, mentionnons que S. Porges émet l’hypothèse qu’il y a eu un ordre historique dans l’apparition des composantes principales de ces systèmes. La plus ancienne serait la branche dorsale du nerf vague, ce qui ferait de l’immobilisation le premier mécanisme de protection de l’histoire (faire le mort pour que les prédateurs passent leur chemin). Ensuite serait apparu le système sympathique (la lutte et la fuite) et enfin, plus récemment la branche ventrale du nerf vague et le système d’engagement social. Les spécialistes en phylogénétique (l’étude des liens de parenté entre les êtres vivants) ne s’accordent à ce jour pas sur l’idée d’une chronologie. Cette « hiérarchie » reviendra toutefois par la suite sous d’autres formes dans la théorie, indépendamment de l’aspect évolutionniste.

Que dit la théorie polyvagale ?

Le travail de S. Porges est parti des constatations anatomiques et ce n’est que par la suite que les implications psychologiques et émotionnelles ont émergé ; il ne les cherchait simplement pas au départ. Il est donc toujours un peu compliqué de décrire la théorie polyvagale (TPV) depuis un angle phénoménologique. Dans son livre « The Polyvagal Theory in Therapy », Deb Dana dit présenter la théorie à ses clients comme « la science de se sentir suffisamment en sécurité pour tomber amoureux de la vie et prendre le risque de vivre ». Elle nous éclaire sur notre façon d’être en relation avec le monde et en relation avec autrui.

Les trois concepts principaux de la théorie sont donc la co-régulation, le neuroception, et la hiérarchisation du système nerveux autonome.

La co-régulation

C’est un impératif biologique vital pour les membres d’une une espèce grégaire telle que les humains de pouvoir être en relation avec autrui, de se sentir en connexion (on peut faire un lien avec le besoin de relatedness de la Théorie de l’Autodétermination). Dans cette relation, il y a un échange, une réciprocité : on reçoit des signaux, des indices, sur le fait que l’on est en sécurité, intégré au tissu social, considéré, et on en offre en retour. Nous n’avons ainsi pas besoin d’être en permanence sur le qui-vive, et pouvons obtenir de l’apaisement de la part de nos congénères. Ceci se produit par de nombreux canaux. Nous possédons bien sûr le langage, mais une grande partie de la co-régulation se produit à un niveau non-verbal, dans des comportements, des attitudes, notre regard, le son de notre voix, d’infimes modifications de nos expressions faciales, etc. Tous ces canaux sont contrôlés par les éléments du système d’engagement social. Une bonne partie de cette communication se produit même à un niveau subconscient, et sa partie réceptrice est notamment informée par la neuroception.

La neuroception

La neuroception désigne la façon dont le système nerveux autonome (SNA) recherche et évalue les signaux-indices relatifs à la sécurité, au danger, aux menaces vitales, et ce sans impliquer le cerveau. Il s’agit d’un néologisme propre à la TPV qui se distingue de la perception. En effet cette dernière implique la conscience, donc un traitement cérébral. Elle produit une interprétation des stimuli détectés par la neuroception, crée une histoire pour les expliquer et les verbaliser.

Le scanner neuroceptif provoque des réactions automatiques qui enclenchent les diverses parties du SNA (vagal ventral, sympathique, vagal dorsal) en fonction de la situation détectée et selon une hiérarchie précise.

La hiérarchie du SNA

Lorsque tout va bien et que nous nous sentons en sécurité, c’est selon la TPV la partie ventrale du nerf vague qui est activée de manière prédominante. On est alors capable d’appréhender notre environnement dans sa globalité avec sérénité et on se sent en paix, connecté, actif. On peut participer à une co-régulation positive en envoyant des signaux-indices de sécurité, au travers d’un sourire, d’un regard, du son apaisé de la voix. C’est l’état de base du système nerveux autonome, celui auquel on tente de revenir après une perturbation, celui aussi qui en plus de la compassion pour les autres nous permet la compassion pour nous-mêmes.

Si notre radar détecte une menace, qu’elle soit physique ou sociale, il a d’abord recours au système sympathique pour nous préparer à agir, à riposter, à bouger, à contrargumenter, etc. Et si l’on ne peut se défendre activement (« lutte », à prendre dans toute la diversité de comportements que cela peut représenter), la « fuite » est aussi une stratégie disponible. Dans ce second état de la hiérarchie, notre attention est redirigée vers certains types d’indices qui pourraient nous être utiles. Par exemple, les muscles de l’oreille interne se configurent de façon à laisser la priorité aux basses fréquences qui sont souvent associées aux menaces (grognement de prédateur, tremblement de terre, tonnerre,…).

Lorsqu’enfin nous sommes impuissants à lutter ou à fuir, toujours selon la TPV, la branche dorsale du nerf vague prend le relai et cause notre désengagement ou notre immobilisation. On cherche à disparaître, à se faire oublier. On peut se sentir déprimé (dans des épisodes brefs de quelques instants mais à force aussi à long terme), manquer d’énergie, s’isoler du monde.

Il est important de comprendre qu’en temps normal les fluctuations entre les trois états sont extrêmement fréquentes. Selon les situations, l’engagement du système sympathique ou de la branche dorsale du nerf vague peut ne durer que quelques secondes avant de retrouver la sécurité de l’état de base commandé par la branche ventrale. Parfois, les phases de mobilisation ou d’immobilisation peuvent être plus longues, quelques heures, voire quelques jours. Les va-et-vient sont normaux ; les trois états ont leur utilité et travaillent ensemble pour nous protéger.

Le trauma

Les blocages

Des problèmes peuvent par contre subvenir lorsque l’on reste bloqué dans l’un des états. C’est ce que provoquent les traumas. Pour rappel, c’est la perception des faits qui cause un traumatisme, soit suite à un événement unique, soit par répétition de petites blessures, et non seulement les faits eux-mêmes. Notre neuroception et notre conscience interviennent dans ce phénomène. Dans le cas du traumatisme complexe, c’est généralement un manque de connexion authentique qui est en cause. On manque de validation et donc notamment de co-régulation, ce qui nous renvoie vers les niveaux inférieurs de la hiérarchie des états du SNA. De plus, les réponses du système nerveux autonome des personnes traumatisée sont intenses, voire extrêmes, ce qui compromet leur capacité à se sentir en sécurité et donc à revenir durablement dans l’état de base.

Il n’est bon d’être bloqué dans aucun état. Il serait faux de penser que tout va bien si on est en permanence dans le niveau commandé par la branche ventrale du nerf vague, celui de la sécurité et de la connexion. On serait alors incapable d’échapper à des dangers, qu’ils soient physiques ou sociaux, de faire respecter nos limites, d’exprimer nos besoins lorsqu’ils ne sont pas satisfaits. Ainsi, on pourrait conclure (c’est ici une interprétation personnelle ; je n’ai pas vraiment trouvé de source à ce sujet) que la stratégie de coping nommée « fawning » (soumission) dénote une certaine inhibition de l’enclenchement du système sympathique et un engagement trop persistant de la branche ventrale du nerf vague. A la place de fuir ou de riposter, on se soumet donc et on fait passer ses limites et besoins au second plan pour satisfaire ceux de la personne en position de force. Il y aurait dans le fawning une tendance à court-circuiter le second niveau de la hiérarchie pour passer directement au troisième, l’immobilisation, lorsque les choses empirent.

De même, lorsqu’on n’arrive plus facilement à revenir dans l’état de base (vagal ventral) et que la lutte ou la fuite deviennent les réactions habituelles, on devient incapable de recevoir une co-régulation positive. Si l’on est en permanence agressif ou « ailleurs » (physiquement ou métaphoriquement), il n’est plus possible de recevoir le degré de connexion dont on a besoin. Idem si l’on est désactivé, désengagé, immobilisé, isolé dans le troisième état (vagal dorsal), on n’est plus en relation avec autrui. Dans ce cas, il y a une étape supplémentaire pour revenir à l’état de base, qui est de pouvoir se réactiver par le biais du système sympathique. En effet, selon la TPV, on doit repasser par le niveau intermédiaire pour revenir à la sécurité (ce qui pourrait expliquer le travail sur la colère qui est souvent nécessaire dans les thérapies liées au trauma).

Le physique et le mental

Si ces blocages semblent assez abstraits et « psychologiques », insistons sur le fait qu’ils se jouent aussi à un niveau corporel et peuvent passer par des mécanismes physiques plus subtils, par exemple au niveau de l’audition (lors de l’engagement du système sympathique) : si l’on est attentif aux basses fréquences, les voix humaines passent plutôt au second plan ; on ne peut donc capter les signaux de sécurité qu’elle est susceptible de véhiculer. D’autres manifestations comme la fatigue, le manque de sommeil ou des fluctuations de la tension artérielle dépendent également du SNA. On y reviendra.

Les traumas ont bien sûr une composante cérébrale. Notamment l’amygdale joue un rôle dans la détection du danger et peut être suractivée, de même que l’hippocampe peut être perturbé dans sa régulation de la mémoire à court terme et des émotions, ou encore que la communication entre les parties émotionnelle et factuelle des souvenirs peut être compromise. Mais on voit ici que le trauma a une composante aussi très physique. Ce qui nous engage à reconsidérer la connotation souvent dédaigneuse accordée au mot « psychosomatique » : non, ce n’est pas que dans la tête. De même, il est impératif, si ce n’était encore clair, de ne pas stigmatiser les victimes qui ne se défendent pas ou ne fuient pas et sont considérées d’un œil suspect ; lorsque l’état vagal dorsal est activé, elles ne peuvent simplement pas agir.

Il faut bien l’admettre, le fonctionnement de notre système nerveux autonome peut donc nous mener dans des situations non optimales. On pourrait être tenté de se dire qu’il faudrait trouver des moyens de s’en débarrasser ou de le court-circuiter pour laisser notre cerveau, rationnel et ordonné, régner en maître. Rien n’est moins sûr. Comme le rappelle Deb Dana, chaque action du SNA est en faveur de la survie, même si elle est bizarre ou rationnellement inappropriée. Le système nerveux ne fait pas de jugement sur le bien ou le mal, mais bien sur le risque et la sécurité. Il n’a pas de notion de honte ou de faute. Et il ne faut pas oublier que le cerveau a un fonctionnement plus lent que le système nerveux autonome qui travaille à la vitesse du réflexe. Si face à un camion qui nous fonce dessus on commençait à peser le pour et le contre de plonger à droite ou à gauche, ou de se dire qu’on aura l’air ridicule, ou hésiter parce qu’on risque de se casser le bras dans l’aventure, il serait beaucoup trop tard pour réagir. Le SNA joue donc son rôle, même si parfois, qu’il s’agisse de dangers physiques ou sociaux, il atteint ses limites, ce qui peut se manifester par des dommages corporels ou des psychotraumatismes ; au final, tous sont des blessures causées par des faits trop graves pour avoir été gérés à notre avantage. La plupart du temps, il nous sert loyalement, y compris de façons plus subtiles.

En filigrane : les émotions

Je parie que vous l’aurez deviné, les divers états transitoires du système nerveux autonome engendrent les émotions. C’est assez étrange, mais bien que la théorie polyvagale s’intéresse aux fondements neurophysiologiques des émotions, il y a peu de ressources à ce sujet (du moins d’après ce que j’ai pu trouver), notamment pour établir formellement des correspondances, ce qui n’est de toute évidence pas aisé. Je ne m’attarderai donc pas à réaliser (probablement vainement) des catégorisations précises.

Selon le psychologue Paul Ekman, il existe six émotions fondamentales : la joie, la surprise, la colère, le dégoût, la peur et la tristesse. Je les ai classées dans cet ordre car elles pourraient être mises en regard des trois états du SNA, depuis le niveau vagal ventral (sécurité), jusqu’au vagal dorsal (immobilisation) en passant par le sympathique (mobilisation). Il serait ardu de tracer des frontières claires entre les états pour certaines émotions, et ce n’est pas notre but ici.

Ce qu’il est important de retenir, c’est que les émotions sont des états avant tout physiques, qui répondent à la neuroception ; on les ressent de façon corporelle et uniquement dans le présent. Une fois qu’elles passent par notre conscience et qu’elles sont expliquées, elles deviennent des sentiments, chargés de contexte, et revêtent une grande diversité de vocabulaire plus raffiné, dont la langue française est particulièrement friande. On peut ainsi leur donner une orientation temporelle, de sorte que l’on peut regretter des événements passés (variation sur le thème de la tristesse). Les émotions n’ayant pas à proprement parler de caractère rationnel intrinsèque, elles en acquièrent un à travers le travail de la conscience.

Un deuxième point d’intérêt particulier est que les émotions sont des informations cruciales que notre système nerveux autonome met à notre disposition pour nous préserver, d’un point de vue social. Elles nous sont toutes utiles pour maintenir ou au contraire éviter des situations qui ne nous conviennent pas, nous indiquent si nos limites ont été outrepassées ou si nos besoins sont négligés (par les autres et nous-mêmes d’ailleurs).

On a dans nos cultures une tendance à vouloir écarter les émotions dites négatives, de sorte que par exemple on ne devrait pas « se mettre » en colère. Abus de langage certainement, car la colère étant une émotion, on ne choisit pas consciemment sa survenue ni les signes physiologiques qui l’accompagnent (augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque, rouge qui monte aux joues, tension dans les muscles, etc). Ce que l’on choisit, c’est la réponse rationnelle, les actions qui en découleront, mais la mobilisation est de l’ordre du réflexe. A la fois, elle nous dit qu’une action est requise pour préserver nos intérêts et elle prépare les ressources nécessaires en ce sens. A nous de décider (avec notre cortex cérébral) si la réponse adéquate est un coup de poing, une invective, ou une explication calme. Les autres émotions dites négatives nous donnent des indications semblables et ne doivent donc pas être ignorées pour notre propre bien. Mentionnons que dans les cas de traumas, certaines d’entre elles deviennent difficilement accessibles, ce qui accentue la spirale négative.

La théorie polyvagale en pratique

En partant du côté cognitif

Des outils dérivés de la théorie polyvagale viennent progressivement s’ajouter à la panoplie de techniques utilisées en psychothérapie, du moins outre-Atlantique, en particulier pour soigner des syndromes de stress post-traumatique et traumatismes complexes. Le livre de Deb Dana « The Polyvagal Theory in Therapy » contient des indications très pratiques, y compris des feuilles d’exercices, en ce sens. Le principe général est d’abord d’apprendre aux clients à connaître les trois états du SNA, sachant qu’ils ne sont pas forcément très familiers avec un ou deux d’entre eux dans les cas d’un trauma, où un des trois états a été privilégié à la longue. Il est vraisemblable de ne pas bien connaître l’état de sécurité permis par la branche ventrale du nerf vague si l’on est toujours sur le qui-vive. Ensuite, les clients pourront identifier l’état du SNA dans lequel ils se trouvent à un moment donné, lorsqu’il se présente, ou rétrospectivement. Enfin, ils seront également invités à déterminer quels types de stimuli sont perçus comme des menaces, et donc les font « descendre l’échelle du système nerveux autonome », et au contraire quels outils peuvent les aider à la remonter pour retrouver un sentiment de sécurité. Ils pourront ainsi éviter les premiers et favoriser les seconds.

L’idée est donc de solliciter le cerveau et la cognition dans un contexte sécurisé (le cabinet du thérapeute ou des moments de calme si l’on travaille par soi-même) pour analyser des réactions qui dans le feu de l’action seraient de l’ordre du réflexe, et dans le cas du trauma, dominées par un état du SNA dans lequel on se trouve bloqué (au lieu de pouvoir utiliser les trois de façon optimale). C’est l’expérience qui forge les réponses du système nerveux autonome ; c’est vrai pour l’expérience passée mais aussi (heureusement) celle à venir. En en étant conscient, il est possible petit à petit de modifier les circonstances futures, par exemple d’éviter ou de moduler des situations dans lesquelles on sait que l’on serait normalement mis à mal, ou de s’entourer de personnes bienveillantes qui nous aideront à regagner un sentiment de sécurité par la co-régulation. Au fur et à mesure, il sera possible d’accéder aux côtés bénéfiques des états du SNA moins souvent usités ; cela fera partie d’un nouveau schéma réflexe, plus sain. C’est ce que l’on appelle le « repatterning ». C’est aussi le fondement du courant thérapeutique nommé « Somatic Experiencing » (Peter A. Levine).

La co-régulation joue évidemment un grand rôle dans le processus ; elle est d’ailleurs fondamentale dans n’importe quel type de relation psychothérapeutique, que le praticien soit informé sur la théorie polyvagale ou non. Les séances sont (idéalement) des espaces de sécurité (et de co-régulation, le thérapeute étant aussi « acteur », à un certain niveau) où l’on peut exprimer ses pensées et ses émotions sans crainte du jugement. C’est pour cela que le psychologue (ou coach) que le client choisit doit lui correspondre et qu’il doit être bien informé sur les particularités de sa clientèle (notamment en ce qui concerne les personnes à haut potentiel, comme je vous le disais dans l’article sur le Gifted Trauma). Si le praticien n’a pas une compréhension et une compassion sincères (voire intuitives ou même viscérales) pour son client, il pourra peut-être le masquer au niveau verbal, mais des signaux contradictoires risquent de transparaître à un niveau qui peut être capté par la neuroception du client (un soupir, une mimique, une fine variation dans la voix, etc), qui le mettra en alerte. Il en va de même lorsque l’on recherche la compagnie de pairs pour discuter de problématiques particulières (groupes de parole par exemple) ; il ne serait pas opportun qu’un outsider vienne, même involontairement, manifester son incompréhension.

En partant du côté physique

Les changements dans les états du SNA se manifestent par des sensations physiques mais aussi des mouvements de muscles. Lorsque l’on éprouve du dégoût, on fait une grimace assez caractéristique, et même dans certains cas, on place instinctivement la main devant sa bouche. Lorsque l’on a peur ou que l’on est en colère, la respiration est modifiée. Quand on est attentif à une menace, des muscles de notre oreille interne, dont nous n’avons pas même conscience de l’existence, se configurent de façon à favoriser les basses fréquences. De manière générale, toutes les émotions sont associées à une expression faciale particulière, qui implique des contractions musculaires involontaires et inconscientes. La liste pourrait encore être longue.

Et bien figurez-vous qu’il existe une boucle de rétroaction entre d’une part tous ces petits muscles et les nerfs qui les contrôlent, et d’autre part le système nerveux autonome. Autrement dit, on peut utiliser des méthodes manuelles ou physiques pour favoriser certains états du SNA, et idéalement celui de la sécurité et globalement stimuler le système d’engagement social.

C’est ici que prend la fin du suspense de l’exercice proposé en début d’article. Son but était de vous convaincre par la pratique de l’existence de cette boucle de rétroaction. Lorsque vous imaginiez que votre nez aspirait les côtés de votre visage, vous n’avez pas tout à fait pu empêcher des micro-contractions involontaires des muscles de la face. Et n’avez-vous pas expérimenté une sensation étrange ? Comme si vous étiez en colère ou inquiet ? Votre respiration n’est-elle pas devenue plus superficielle ? Et au contraire, lorsque vous imaginiez que vos oreilles attiraient les autres parties de votre visage, ne vous êtes-vous pas senti apaisé et votre respiration n’est-elle pas devenue plus ample ? Involontairement, votre expression faciale prenait le chemin d’un sourire (que certains recommandent d’ailleurs pour alléger le stress). Pourtant, que ce soit dans la première ou la seconde partie, il ne vous est rien arrivé ; vous n’aviez pas de raison de ressentir des émotions différentes.

Il est donc possible d’utiliser cette boucle de rétroaction pour réaliser des thérapies physiques, qui auront une influence sur le SNA, et de là sur le mental. Il est évident qu’on laissera tomber l’exercice de convergence vers le nez, qui nous entraîne plutôt vers une activation du système sympathique, mais par contre vous pouvez en toutes circonstances utiliser la partie où ce sont les oreilles qui sont les points d’attraction. Cela stimule positivement la branche ventrale du nerf vague (qui affleure à certains points du visage). Pour ceux et celles dont la respiration a tendance à se bloquer lors de la méditation, cela peut d’ailleurs devenir un ancrage alternatif au souffle. Une autre technique simple est de masser le nerf vague au niveau du cou (il court à côté des artères carotides). S’asperger le visage d’eau froide stimule également positivement les terminaisons nerveuses de la face.

Les techniques de respiration, qui ralentissent sa fréquence, contribuent également à apaiser le SNA par cette boucle de rétroaction (« si on respire profondément et calmement, c’est qu’on est en sécurité », c’est le message neuroceptif qu’il perçoit). On peut aussi ajouter un artifice à la respiration en faisant comme si on expirait à travers une paille ; l’augmentation de la pression interne envoie également un signal positif au nerf vague. Si ce dernier est sensible au massage, il l’est aussi aux vibrations. C’est pour cela que les vocalisations de type « om » peuvent avoir un effet bénéfique (régulation de la respiration + augmentation de la pression interne + vibrations).

En plus de toutes ces techniques accessibles aisément et plutôt intuitivement, il en existe d’autres, plus structurées, comme par exemple des séances de yoga pour la stimulation du nerf vague (voir les vidéos d’Arielle Schwartz par exemple). Il y a aussi l’EFT (Emotional Freedom Technique), qui consiste à tapoter certains points où affleurent le nerf vague et d’autres nerfs du système d’engagement social. Certains pourront trouver un bénéfice au TRE (Tension/Trauma Release Exercise), qui cherche à provoquer des tremblements musculaires (comme quand on a fait de l’exercice physique et que les jambes tremblent) pour stimuler le SNA (attention, il y a des restrictions pour les personnes souffrant de certaines pathologies comme l’épilepsie). On pourrait ajouter ici le fait d’écouter de l’ASMR (Autonomous Sensory Meridian Response), qui peut amener les muscles de l’oreille interne à se focaliser sur les fréquences de la voix humaines et de sons associés à la sécurité (crépitement de feu de bois, etc).

Enfin, il est possible d’avoir recours à l’expertise de praticiens pour stimuler manuellement le système nerveux autonome. Cela peut se faire au travers de l’acuponcture, de certains types de massages, de la micro-kinésithérapie, et également par la thérapie cranio-sacrale (également appelée ostéopathie crânienne). Le fait que quelqu’un s’occupe de nous participe de plus à la co-régulation.

Un peu entre les deux

Le fait d’être en contact avec la nature aide aussi à équilibrer le système nerveux autonome. Il y a un aspect de co-régulation un peu particulier dans le fait de se sentir faire partie d’un tout, du Vivant. Par ailleurs, certaines sensations ou certains sons ne peuvent être expérimentés en extérieur, comme la légère pression du vent sur le visage, les fluctuations de température, le bruit du vent dans les feuilles, etc. S’occuper d’animaux, pouvoir les caresser, être en relation avec eux a aussi des bénéfices. Certaines thérapies ont d’ailleurs recours à la médiation d’animaux pour profiter de leur capacité à capter les signaux subtils du SNA.

Un dernier mot sur le nerf vague et la santé

Dans la section sur l’anatomie et la physiologie, je vous disais que le nerf vague joue un rôle dans la régulation de nombreux processus biologiques. La recherche médicale n’a pas fini de s’intéresser à lui. Notamment, des chercheurs de Grenoble expérimentent la neurostimulation du nerf vague, à l’aide d’une électrode implantée au niveau du cou, pour traiter les maladies inflammatoires de l’intestin (ou « MICI », telles que maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique). Les résultats semblent prometteurs. Les propriétés anti-inflammatoires d’un nerf vague bien stimulé intéressent aussi les spécialistes de pathologies telles que la polyarthrite rhumatoïde ou la fibromyalgie, dont les symptômes pourraient a minima être allégés par la stimulation du nerf vague. Cette technologie suscite aussi des espoirs dans le domaine de la neuropsychologie, en vue de soigner des dépressions graves résistantes aux médications et à la thérapie, mais également d’aider les personnes atteintes d’autisme à gérer les troubles qui y sont liés.

Il y a encore des points à relier entre les diverses théories qui s’intéressent au nerf vague. Des études se penchent d’ores et déjà sur les liens entre le stress, la dépression et les réactions inflammatoires. Et donc le nerf vague et le système nerveux autonome ne sont pas loin. Les mécanismes en jeu étant hautement complexes, il est probable qu’il faudra encore un peu de temps pour comprendre avec certitude leurs tenants et aboutissants.

En attendant des conclusions définitives, je crois pouvoir dire qu’on ne risque rien à utiliser des méthodes non invasives pour chouchouter notre SNA, et tenter de tirer le meilleur des (super)pouvoirs de notre nerf vague. Toutes les pistes qu’offre la théorie vagale sont ouvertes. Et si en plus de devenir une meilleure version de nous-mêmes nous pouvons avoir un impact ne serait-ce que limité sur notre santé, alors pourquoi se priver ?

Métacosme est un blog dont le but est de mettre à disposition des lecteurs francophones des informations de cheminement personnel et un éclairage psychologique et philosophique original.

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Sources :

15 Replies to “La Théorie Polyvagale – Le nerf qui fait des vagues”

  1. Bonjour, Thérapeute psycho corporelle, je suis entrain de rédiger un mémoire et m’intéresse particulièrement à la théorie polyvagale. Un grand merci pour la qualité de la rédaction de cet article, très clair, bien illustré et très bien expliqué. Bravo à vous de l’avoir mis en mots de cette manière. votre écriture va m’aider à rédiger mon mémoire de fin de formation. Un immense merci à vous pour ce partage précis et complet. bonne soirée. Emmanuelle cheylus. Thérapeute psycho corporelle ( Mornant -69)

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire très positif. Je suis toujours contente lorsque quelqu’un trouve ce travail intéressant, utile et/ou qualitatif, et lorsqu’il s’agit d’un(e) professionnel(le) expérimenté(e) du coaching ou de la psychologie, cela a une coloration particulière. Merci encore! 🙂

  2. Bonjour, étant préparateur mental sportif je suis tombé sur votre article en faisant des recherches sur la cohérences cardiaque qui il me semble est un thème connexe.
    Votre article est passionnant et très bien rédigé mettant en avant des concepts simples et claires.
    Un grand merci à vous pour ce travail.

    1. Bonjour.
      Merci pour votre gentil commentaire.
      Effectivement, la cohérence cardiaque est tout à fait liée, et même plus que façon connexe. 🙂
      Cordialement,
      Isabelle

  3. Bonjour Isabelle,

    Je suis scotchée par la qualité de votre article. Il permet de mieux comprendre l’aspect physiologique, automatique, de certaines de nos réactions psychologiques, qui dès lors n’ont plus rien à voir avec notre volonté, mais pas non plus avec notre inconscient tel que décrit dans les théories psychanalytiques. Et qu’il est possible d’apprendre (même hors thérapie) à calmer, voire faire disparaître, certaines des réactions pathologiques, plus liées à nos réflexes qu’à nos pensées.
    Vous parvenez à parler de choses purement théoriques, mais avec simplicité, sans pour autant simplifier, sans prise de tête, et sans être pédante.
    Je cherchais à rafraîchir mes connaissances sur le sujet, afin de le mentionner dans un document que j’écris en ce moment, et suis tombée sur votre article par simple recherche sur le net.
    L’article peut paraître long a priori, mais finalement, il synthétise à merveille beaucoup de choses entendues et lues sur le sujet. Vous faites le tour de tous les aspects. Le petit exercice/test en début d’article est très parlant (l’effet obtenu chez moi, est de d’abord rester plutôt sur l’expiration et ensuite, de d’être plus dans l’inspiration, mais je n’ai pas ressenti d’émotions). Vous suggérez également quelques autres exercices et mentionnez pas mal de techniques différentes. Bref, en peu de mots, vous arrivez à bien circonscrire le sujet, sans être trop spécialiste dans le langage, et sans simplifier exagérément. Vraiment, chapeau !

    remarque : juste une minuscule erreur d’orthographe dans la phrase : « Je parie que vous l’aurez deviné, les divers états transitoires du système nerveux autonomes engendrent les émotions. » (retirer le « s » à « autonomes », si vous en avez encore la possibilité). Je le mentionne, non pas pour critiquer, mais car j’apprécie qu’on me signale ce genre d’erreurs quand je publie sur le net.

    J’espère que pas mal de monde pourra accéder à cet article. Merci encore.

    1. Bonjour.
      Merci pour votre gentil commentaire. 🙂
      Moi je suis toujours scotchée que cet article fonctionne si bien, qu’il soit bien référencé et suscite des commentaires si positifs. Ce n’était pas du tout calculé, mais tant mieux tant mieux!
      J’ai corrigé la faute de frappe/grammaire. Il doit y en avoir bien d’autres à travers les articles, même si je les relis, mais au bout d’un temps on finit par trop se familiariser avec les mots, et on ne les voit plus vraiment.
      Pour l’exercice, moi je ressens vraiment une constriction, qui ressemblerait à de l’anxiété donc je suppose mélange de plusieurs composantes d’émotions de base, dans la première partie et une plus grande et agréable amplitude de respiration dans la seconde, donc un état plus neutre et serein. Avec une technique similaire, j’arrive aussi à gérer un peu mieux ma tachycardie à l’effort.
      Merci encore!:-)

  4. Vraiment bravo pour le fond et la forme de votre étude.
    Détaillée et précise sur l’approche de Porges et ouverte sur la complexité du SNA.
    Votre expression simple, mais pas simpliste, rend intelligible le propos à un non expert, moi.
    Quel plaisir de s’informer de cette façon sur un sujet complexe et de ne pas tomber dans un dogme.
    Moi même , détecté HPI il y a quelques années j’explore de manière de plus en plus intuitive des chemins introspectifs variés, dont la psychanalyse (Jung et pas Freud) la méditation en pleine conscience et finalement assez naturellement le nerf vague.. les philosophes en plus.
    Un cocktail détonnant pour la découverte du « soi » au sens de Jung, et donc d’un nouveau rapport au monde ….
    Bien à vous
    Arthur

    1. Bonjour. Merci pour votre aimable commentaire.
      La découverte du soi, voire la création d’une partie du soi, effectivement une grande aventure. Sur un sujet annexe, la théorie de la désintégration positive pourrait également vous intéresser. Si ce n’est déjà fait, vous pouvez jeter un oeil à l’article qui y est consacré.
      Bonne continuation.

  5. Je rejoins les autres commentaires : très bon article.
    Praticien EFT et ayant suivi des initiations à la Somatic Experiencing, toute la théorie polyvagale et les directions thérapeutiques qui en découlent me passionnent, et je suis tombé sur votre blog dans le cadre de ma veille.
    Je garde l’adresse sous le coude pour pouvoir en conseiller la lecture.
    Bonne continuation !

  6. Bonjour,
    Je suis praticienne en Somatic Experiencing et je trouve votre article extrêmement bien rédigé, très clair. Bravo et merci de le partager.

  7. Bonjour,

    Je viens de lire votre article et j’avoue que c’est la première fois depuis au moins 10 ans que je trouve une piste de solution à ma fibromyalgie. J’ai vraiment tout tenté jusqu’à maintenant sans résultat.

    Je me demande si il y a des spécialistes qui traitent essentiellement le système vagal et comment y accéder ?

    merci

    1. Bonjour.

      Merci Pour votre message. Hélas la fibromyalgie reste effectivement mal connue, donc mal soignée. Il y a des symptômes qui peuvent clairement être reliés au système nerveux autonome, dont fait partie le nerf vague. Toutefois les mécanismes n’ont pas encore été mis en évidence, et ce n’est pas un cas isolé en ce qui concerne le SNA, car c’est un système si complexe (et littéralement un « système complexe » tel qu’il peut être défini, avec des boucles de rétroaction, des mécanismes redondants, antagonistes, etc) qu’il est loin d’avoir été totalement exploré et compris. J’ai vu passer une étude par des chercheurs espagnols qui faisait des liens entre fibromyalgie et syndrome de tachycardie orthostatique posturale, qui est un trouble du SNA mieux compris et documenté. Il y aura peut-être des choses à investiguer dans cette direction.

      En plus des outils discutés dans l’article, il existe maintenant des boitiers de stimulation électr(on)ique du nerf vague, avec une électrode qui se place sur l’oreille. Au moment de l’écriture de l’article, je n’avais connaissance que des implantations chirurgicales de stimulateurs internes, mais cette technologie bien moins lourde semble avoir des effets positifs, après plusieurs semaines voire mois d’utilisation toutefois. Dans mon entourage, j’ai des témoignages d’amélioration de l’humeur, de meilleure tolérance à certains médicaments, et de troubles du sommeil diminués. Si jamais vous n’avez pas encore essayé cette technique, c’est peut-être quelque chose qui pourrait vous convenir. Je ne peux hélas faire aucune recommandation d’appareil, car je ne sais pas ce qui marcherait le mieux dans ce cas (il y a des électrodes différentes, qui se mettent sur le tragus ou la concha, sur l’oreille gauche ou droite, avec des fréquences différentes et cela n’a pas tout à fait les mêmes effets). Peut-être sur des forums de personnes souffrant de fibromyalgie le sujet a-t-il déjà été discuté, pour voir quel appareil choisir.

      Des spécialistes du système vagal, je ne pense pas que cela existe. Il y a certainement des spécialistes du système nerveux autonome dans son ensemble, probablement des neurologues. Toutefois, souvent ceux qui ont cette spécialité font de la recherche plus que de la consultation. Le système nerveux autonome, dont le nerf vague, gère pratiquement tout dans notre corps. Par exemple il gère le rythme cardiaque et la pression artérielle; ceux qui ont des problème de ce type (hypotension orthostatique, syndrome de tachycardie orthostatique posturale, hypertension, tachycardie, …) vont chez le cardiologue. Ceux qui ont de la migraine (SNA dont nerf trijumeau) vont chez le neurologue. Ceux qui souffrent de diabète chez l’endocrinologue (hormones + SNA). Ceux qui présentent de l’obésité (aussi hormones + SNA + facteurs comportementaux) chez un médecin nutritionniste. Je ne suis pas bien sûre que l’impact du SNA soit bien développé dans le cursus de tous ces spécialistes, surtout s’ils sont sortis de l’école de médecine il y a plus de 20 ans, car beaucoup de découvertes ont été faites depuis. De par sa nature systémique, le SNA serait en théorie probablement le mieux compris par les généralistes (idéalement), pour peu qu’ils aient le temps d’écouter les patients en profondeur. Les médecins qui cumulent des études de médecine occidentale et des études de médecine traditionnelle chinoise ont des chances d’être sensibles aux questions liées au SNA, car il y a beaucoup de recoupements apparemment.

      J’espère en tout cas que vous trouverez les ressources dont vous avez besoin pour améliorer votre santé. Moi de mon côté, j’étudie justement le SNA en ce moment, donc peut-être aurais-je plus de pistes à l’avenir, une fois que j’aurai (autant que faire se peut) compris l’affaire. 🙂

      Cordialement,
      Isabelle

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